Prend ma main

Un vieil air de musique flotte dans mes pensées. Je marche la tête haute pour ne pas que l'on puisse me voir tomber. Le ciel est gris comme noircit par des cendres.L'air est lourd et pesant. C'est une journée comme les autres. Je suis au milieu des passants qui marche les yeux dans le vide. Ils sont ailleurs. Je souhaiterais moi aussi être ailleurs qu'au milieu de tous ces gens qui ne m'entendent pas hurler. On s'effleure, on se bouscule mais jamais on ne se regarde. On entends rien, on ne voit rien et on ne dit rien. Chacun blottit dans son petit monde égoïste. Mais une voix à travers le silence est impuissante. Qui m'entendra? Cet homme au coin de la rue, téléphone portable à l'oreille, costume impeccable et serviette luisante en cuir noir? Non. Ou alors cette vieille femme marchant d'un pas rapide vers son supermarché, son sac à main contenant sa misérable retraite serré contre la poitrine comme un trésor, à l'affut du moindre petit voleur? Non. Ce n'est pas la peine de chercher, je ne trouverais pas de réponse positive à cette question. Le monde est perverti, égoïste et élitiste, il n'y a aucune place pour le reste. Les valeurs ont disparu pour laisser place à ce que je vois avec horreur chaque jour. Alors je cesse de regarder ces gens au milieu d'un monde qui n'est pas le mien et je reste paisiblement au bord de mon petit chemin de terre, en attendant un passant qui me regardera et qui sait, me prendra la main.